EDITO
Aspirés comme tout un chacun par la tornade, échoués en terre inconnue, nous devons aux témoignages des structures que nous soutenons d'avoir pu rapidement prendre la mesure de ce qui se jouait dans les territoires où beaucoup d'entre elles oeuvrent, souvent depuis de nombreuses années de connaissance intime : non pas la création d'un désastre, mais plutôt la révélation d'une situation jusque là maintenue « sur le fil » qui bascule en quelques jours dans le néant, les amenant à organiser dans l'urgence des distributions alimentaires, à déployer des trésors d'imagination et de disponibilité pour maintenir le lien indispensable, pour tenter de garder les enfants dans la sphère scolaire.
Mais aussi mise en lumière de l'irrésistible besoin de continuer à chanter, danser, écrire, jouer, réfléchir, vivre, ensemble. Y parvenir !! Faire fi de l'angoisse, de la réclusion, de la solitude imposée, montrer la puissance de cet élan primordial vers ce qui nous constitue fondamentalement humains.
Face au silence, au repli, à la sinistrose, la parole, la musique, le partage joyeux, les échanges animés, la vie bruyante.
Face au cataclysme, à la menace du délitement de ce qui nous lie les uns aux autres pour faire humanité, plus indispensables que jamais, l'art et les artistes.
C'est notre conviction, la raison de notre présence aux côtés de « nos » structures qui la font vivre de façon si éclatante, et à qui nous disons ici un immense merci pour leur engagement, leur vitalité et leur témoignage : grâce à vous, nous avançons confiants malgré tout, et même quelquefois euphoriques !
L'un d'entre vous le constatait récemment : ce qui a tenu, c'est ce qui reposait déjà sur un socle existant, un noyau dur et vivant. C'est pourquoi, outre les récits d'initiatives en tous genres imaginées et réalisées depuis 3 mois pour conjurer le sort, nous vous proposons aujourd'hui de découvrir « un noyau dur et vivant », le programme « Education & Proximité » du Théâtre de la Colline, à travers les commentaires croisés de ceux qui l'ont conçu, animé, accompagné, suivi. Il s'agit d'un programme que nous accompagnons depuis 3 ans maintenant, qui rassemble lycéens professionnels et généraux autour du théâtre : la découverte de l'autre en même temps que de soi-même, grâce au théâtre et à ses artistes. Pour lire le reportage.
Pour notre entretien, nous avons choisi d'interroger Julien Grenet, chercheur à l'Ecole d'Economie de Paris, chargé par ses initiateurs de suivre un projet original de la Mairie de Paris et du Rectorat destiné à lutter de façon déterminée contre la ségrégation scolaire qui clive inexorablement certains quartiers populaires de la Capitale. Nos routes se sont croisées au Collège Berlioz où nous soutenions un programme bâti autour de cette expérimentation pour laquelle nous avons immédiatement éprouvé un grand intérêt : qu'inventer pour rompre le cercle infernal des stigmatisations et des enfermements ?
Nous avons à cœur de faire se rencontrer nos interlocuteurs, pour des échanges d'expérience et de pratique, afin aussi tout simplement que chacun prenne conscience de la richesse de ce qui existe. Nous avons donc poursuivi cette année l'organisation de nos rencontres sous différentes formes dont vous pouvez découvrir objets et conclusions ici.
Dans un contexte économique inquiétant, le risque est de voir diminuer les moyens accordés à l'art, à la culture, et en particulier à toutes ces initiatives qui les font vivre sur le terrain, considérées comme un luxe. Les danseurs de la compagnie Aven Savore (Intermèdes Robinson), les musiciens des Orchestres à l'Ecole de Boissy Fresnoy et de Lagny-le-Sec, les comédiens de Belleville Citoyenne, les participants aux ateliers du Monde en Têtes, et tous les nombreux autres nous ont au contraire montré de façon éclatante combien elles sont essentielles au maintien de ce qui fait humanité. Et voilà pourquoi, plus que jamais nous serons à leur côté.
Sabine Masquelier
Présidente de Choeur à l'ouvrage